MichelCastel.com

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Mot-clé - Dissémination des risques

Fil des billets - Fil des commentaires

vendredi, 1 février 2008

Rudes leçons de la crise financière

"Rudes leçons de la crise financière "

"Il est indispensable de renforcer et d'adapter les mécanismes de régulation financière."

Propositions par Michel CASTEL et Dominique PLIHON, économistes,

publié dans " Le Monde"  du 1er février 2008

(synthèse d'un article de 13 pages intitulé :" Propositions pour une prévention renforcée des risques systémiques" paru dans le Rapport moral sur l'argent dans le monde -2008-" )

 La crise des subprime, doublée du scandale de la Société Générale, a acculé les banques centrales et les autorités bancaires à intervenir en urgence pour éviter le pire. C’est ainsi que 500 milliards d’euros ont été injectés par la BCE sur le marché interbancaire et que la Fed américaine a décidé une forte baisse de son taux directeur de 0.75 % le lundi noir. Au-delà de ces mesures d’urgence, il est nécessaire de s’interroger sur les réformes à mettre en œuvre pour tenter de prévenir de nouvelles crises à l’avenir. L’objectif principal de toute réforme doit être d’assurer la robustesse des banques qui sont le socle des systèmes financiers et du développement économique. La crise actuelle est inquiétante parce que nos systèmes bancaires sont fragilisés par les excès de finance internationale. L’expérience récente montre en effet que les crises financières sont d’autant plus graves que les banques sont affaiblies car les répercussions sur l’activité et l’investissement sont inévitables.

Nous proposons trois axes de renforcement des politiques de maîtrise des risques par les autorités

Il faut, en premier lieu, élargir le périmètre des entités soumises à la réglementation bancaire et prudentielle à l’ensemble des acteurs qui font du crédit, bancaires et non bancaires. Les deux crises les plus importantes de période récente ont été déclenchées par des sociétés distribuant des crédits sans être soumises à la réglementation bancaire dans leurs pays. La première a eu lieu au Japon, qui a connu une crise économique profonde tout au long des années 1990 déclenchée par des établissements non supervisés finançant le secteur agricole. La deuxième crise a eu lieu l’été dernier avec les crédits subprime essentiellement distribués par des « finance companies » non régulées à des ménages à risques. Pour colmater cette brèche actuelle dans le système de contrôle, notre proposition est que tous les établissements distribuant du crédit soit assujettis à la réglementation bancaire dès lors que leurs concours dépassent leurs fonds propres de plusieurs milliards d’euros (par exemple 5 milliards).

Le deuxième axe de réforme est de renforcer la réglementation prudentielle en matière de risques de liquidité et de marché, en particulier les risques de pertes des banques liées aux variations des prix des actifs échangés sur les marchés financiers. La récente réforme dite « Bâle 2 » du contrôle prudentiel, qui est rentrée en application en 2008, est inadaptée. Elaborée dans les années 1990, elle n’a pas pris en compte les nouveaux produits de marché (par exemple les produits structurés) qui sont devenus plus complexes et plus risqués. En effet, la caractéristique majeure de la révolution financière des dernières années est la désintermédiation et la marchéisation des financements et des risques. Pour économiser leurs fonds propres, les banques transfèrent massivement leurs risques aux marchés en utilisant les innovations financières récentes, en particulier les dérivés de crédit (marchés à terme et d’options) et la titrisation. Cette dernière technique, largement utilisée par les établissements immobliers américains, consiste à transformer en titres des crédits pour les revendre sur le marché. Ces pratiques posent deux problèmes. D’une part, un problème d’aléa moral : sachant qu’elles vont pouvoir se débarrasser de leurs risques en les « externalisant » sur les marchés, les banques ne sont plus incitées à une rigueur maximum dans la gestion de leurs risques. D’autre part, les investisseurs qui reprennent les risques cédés par les banques font l’objet d’une supervision bien moindre que ces dernières. Il y a là un facteur d’aggravation du risque global du système financier, souvent appelé « risque systémique ». Notre proposition consiste à supprimer ce biais actuel favorable à la désintermédiation en intégrant des facteurs de risques mal pris en compte par les règles de Bâle 2. Ainsi toute ligne de liquidité d’un programme de titrisation, même de courte durée, devrait être intégrée dans le calcul des fonds propres. Par cet enrichissement du « pilier 1 » de la réglementation prudentielle qui concerne les exigences minimales de fonds propres, il y aurait intégration des risques de marché et de liquidité dont la crise subprime a montré que c’étaient là les risques majeurs de la finance désintermédiée. Le durcissement de la réglementation prudentielle dont il vient d’être question ne suffirait pas à sécuriser la robustesse du système financier.

Nous pensons qu’il faut également qu’il faut redéfinir les conditions de refinancement des banques centrales. C’est là notre troisième proposition. Les banques centrales décident du montant des liquidités à allouer par des appels d’offre d’une manière globale sur l’ensemble du système bancaire de leur zone. Ce faisant, elles ne font preuve d’aucune sélectivité et peuvent être amenées à accompagner des dérapages économiques et financiers dans l’immobilier, l’achat à crédit de titres, des spéculations sur devises, des financements à levier excessif d’investisseurs peu réglementés (hedge funds). Nous proposons deux pistes pour corriger ce risque. La première est de passer d’une enveloppe globale de refinancement au prix du taux directeur à des enveloppes individuelles par groupe bancaire. Les dépassements étant assurés par des taux beaucoup plus élevés. Une telle approche implique une coopération entre banques centrales face à des groupes bancaires susceptibles d’obtenir de la liquidité auprès de plusieurs d’entre elles. Notre deuxième piste est que les banques centrales recourent à une utilisation plus active des réserves obligatoires. Elle consisterait à élargir l’assiette des réserves obligatoires aux crédits (en portefeuille ou titrisés) pour couvrir toute la production dont le rythme apparaîtrait comme trop rapide à la banque centrale concernée. Ces deux mesures devraient amener les groupes bancaires à une gestion beaucoup plus prudente de leurs financements.

L’ensemble des mesures qui sont proposées dans cet article nous apparaissent à la fois réalisables et suffisamment fortes pour mieux prévenir les excès futurs de la finance. L’expérience montre hélas que les crises sont vite oubliées. Pourtant l’urgence de réformes est criante aujourd’hui !

samedi, 1 septembre 2007

Dompter-la-sphère-de-la-finance


Analyse faisant suite à l’article de Frédéric Lordon -"Dompter-la-sphère-de-la-finance"

Le Monde Diplomatique


http://blog.mondediplo.net/2007-09-01-Dompter-la-sphere-de-la-finance Le Monde Diplomatique

++La nouvelle finance, ou la défausse des risques.++


 Avec la nouvelle finance, les banques et les assureurs ont très largement changé de métier. Auparavant quand ils accordaient un crédit ou concluaient un contrat, ils le gardaient dans leur bilan jusqu’à l’échéance. Ils en conservaient donc la propriété avec les risques. Maintenant, de plus en plus, aussitôt conclus, ces crédits et contrats sont vendus sur les marchés. Qui sont les acheteurs ? Ce sont les investisseurs institutionnels , c’est-à-dire ces mêmes banques et assurances mais aussi les fonds de pension, les caisses de retraites , les Sicav et autres fonds communs de placements collectifs, et accessoirement les particuliers fortunés. Les institutionnels travaillent avec l’argent de leurs clients. Rien de nouveau sauf que leur offre de produit est maintenant fortement orientée vers des produits transférant le risque à l’épargnant. Aux traditionnelles actions et d’obligations (à bonne signatures), ils ajoutent par exemple des contrats multi-supports au rendement plus attractif mais qui vous laissent tous les risques. Pourquoi de tels changements ? C’est d’abord le modèle américain dans lequel les titres prévalent sur les crédits depuis des décennies. C’est ensuite parce que les autorités demandent des fonds propres fonction des risques en portefeuille. Sage mesure pour assurer la robustesse des banques et des assurances mais qui contrarie le besoin de bien traiter les actionnaires. Leur assurer plus de 15 % de rendement alors qu’ils doivent avoir règlementairement beaucoup de fonds propres fait problème. La solution ? Transférer les risques aux agents non financiers au lieu de les mutualiser. Le système ne s’arrête toutefois pas en si bon chemin ! Ainsi allégés d’une partie des besoins de fonds propres, ces entreprises peuvent prendre de positions sur des produits de marché risqués, mais aux rendements très élevés en un temps très bref. Des titres remplacent des crédits (c’est la titrisation). Ainsi banques et assureurs parviennent à offrir à leurs actionnaires un rendement moyen de plus de 20 %. Au total, bien que financièrement très rentables et allégées de risques, banques les assurances n’en sont pas moins fragiles. La crise interbancaire majeure d’août l’a montré, et aux prochaines alertes sur une baisse de leur rentabilité, leur capitalisation, voire leur signature, vont souffrir … presque autant qu’il y a 15 ans quand elles affichaient une perte ! Et dans leur sillage, l’économie réelle souffrira.

Le crédit rapporte au mieux 1 à 1,5 % alors que les produits de marché peuvent rapporter 20 à 30 % pour des opérations de très court terme (dans ces opérations il y a le financement de fonds d'investissement de type hedge fund qui avec un de collecte obtiennent des prêts très court permettant un effet de levier de 10, 20, voire davantage). Ainsi une nouvelle donne des rôles s'est mise en place. Le risque est sorti des bilans des professionnels pour être reporté sur les ménages, voire les trésoreries des entreprises...quand ce n'est pas leur actionnariat qui a été évincé par un fonds d'investissement et leurs salariés mis sous pression ou remerciés.

Emiettement des risques, envolées de ceux-ci parce qu'atomisés et renvoi sur les agents les moins avertis de la chose financière, à savoir les ménages, de l'essentiel du risque. Tout le contraire de la mutualisation des crédits, des clients et du temps dans les financements bancaires classiques. C'était sans doute moins sexy mais assurément plus stable quand ce type d'intermédiation prévalait. Elle a permis les trente glorieuses ou l'équivalent dans toute l'Europe et finance. Les marchés ne font pas mieux mais avec beaucoup plus de risques.

dimanche, 30 juin 1991

Nouvelle intermédiation, développement des marchés et financement des entreprises

Par Yves Ullmo et Michel Castel,
Revue d'Economie Financière - printemps 1991.

Résumé :
Le fort accroissement des mesures de désintermédiation illustre le glissement des pays des économies d’endettement vers les marchés de capitaux. Si cette nouvelle tendance fait courir des risques nouveaux, au-delà des risques de contrepartie traditionnellement rencontrés dans le financement intermédié, elle se justifie par une meilleure allocation des ressources, une réduction des coûts de l’intermédiation et une dilution des risques qui permet de mieux satisfaire les besoins de financement sans augmenter les risques bancaires. Autour de ces trois axes, l’article se propose d’examiner les conditions nouvelles du financement des entreprises. En particulier, il tentera de voir ce qu’elles deviendraient si les conditions économiques venaient à se dégrader durablement

Classification JEL : G1, G21

page 2 de 2 -